Traduction d’un article de Joe BILBY paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1986
Bill MASSIE était en train de regarder ses cartes lorsque cela se passa. Il entendit l’explosion du coup, sentit son bras s’engourdir, et leva les yeux. Il vit l’homme en face de lui tomber par terre, puis il vit Mc. CALL qui reculait au milieu d’un nuage de fumée de poudre noire, criant à tout de monde de sortir, ramenant le chien de son revolver en arrière avec son pouce et le laissant retomber en pointant l’arme en direction du barman sans que le coup ne parte, le bruit vide et métallique du faux-départ le suivant jusqu’à la porte. Lorsqu’il fut parti, on ne pouvait plus rien faire d’autre que regarder la flaque de sang qui s’agrandissait sous la tête de « Wild Bill », Bill le Sauvage. Une légende était morte. Vive la légende.
Cette légende était née sous le nom de James Butler HICKOCK, le 27 Mai 1837, à Homer, Illinois. Comme beaucoup de jeunes hommes de sa génération, HICKOCK brûlait du désir d’aller vers l’Ouest et il partit pour le Kansas, y arrivant en plein milieu de la « guerre » entre les partisans de l’esclavagisme et ceux de l’abolitionnisme. Après avoir servi pendant un moment dans la Milice d’Etat Libre de James H. LANE, il essaya le fermage, puis dériva vers le nord et, en Juillet 1861, travaillait à la station du Pony Express de Rock Creek, Nebraska. David C. Mc. CANLES arriva à Rock Creek pour demander le paiement de l’argent qu’on lui devait chez RUSSEL, MAJORS & WADELL, à qui il avait vendu la station. Un fusil de chasse pendait en travers du pommeau de la selle de Mc. CANLES, qui menaça les occupants de la station, y compris HICKOCK. Le fait que HICKOCK s’amusait avec la maîtresse de Mc. CANLES, Sarah STULL, n’avait rien pour arranger une situation déjà explosive. Les détails de ce qui suivit ne sont pas clairs, mais HICKOCK tira et tua Mc. CANLES avec un fusil puis sortit son Colt Navy en ventilant du même coup les deux compagnons du mort, lesquels furent finis par les autres employés de la station, portant des haches et des houes. Accusé, en même temps que les autres, de ces meurtres devant les tribunaux du Nebraska, HICKOCK, également appelé parfois « Dutch Bill », Bill le Hollandais, fut relâché après avoir brillamment plaidé la légitime défense.
Bientôt, il partit pour le sud, où on avait besoin de quelqu’un qui savait tirer vite et bien au revolver Colt. Fils d’un abolitionniste qui avait tenu une station de chemin de fer souterrain, c’est-à-dire une station de métro, il y avait peu de doute pour savoir de quel côté « Bill » HICKOCK se battrait lors de la Guerre Civile. En Octobre 1861, il servait comme chauffeur dans l’armée Fédérale. Bientôt, on lui confia des rôles où il y avait plus d’action, comme éclaireur, détective de l’armée et espion. Le mois de Juillet 1865 vit HICKOCK, à présent connu sous le nom de « Wild Bill », arriver à Springfield, Missouri, comme un homme de la ville et un joueur professionnel. Springfield grouillait de toute sorte de types de la frontière et de soldats de l’Union démobilisés, aux poches gonflées de rappels de paie. Presque tous ces hommes étaient armés, et quatre années de conflit avaient submergé toute inhibition qu’ils auraient pu avoir à régler leurs disputes avec leurs armes. Le 21 Juillet, HICKOCK et un certain Davis TUTT, des copains qui s’étaient fâchés à cause de dettes de jeu, de la possession d’une montre Waltham et de l’affection d’une femme, se battirent au revolver à percussion dans le jardin public de Springfield. TUTT manqua son coup. La balle de HICKOCK frappa son ancien ami au torse et le tua, à une distance que plusieurs personnes estiment entre cinquante et cent yards. La loi était marginale à Springfield et le Lieutenant Colonel Albert BARNIZ du 2ème. Ohio Cavalry arrêta Wild Bill, qui fut presque immédiatement relâché sur caution. L’accusation initiale de meurtre réduite à celle d’homicide, HICKOCK fut acquitté après un procès de deux jours, le 5 Août, il postulat tout de suite pour le poste de Marshall de la ville, mais on le lui refusa. A part le fait d’avoir tué TUTT, la chose la plus significative qui arriva à Wild Bill lors de son séjour à Springfield fut sa rencontre avec le journaliste George Ward NICHOLS, un ancien officier de l’Union. Présenté à HICKOCK juste après le fameux duel, NICHOLS fut fasciné par ce pistolero aux cheveux longs et il interviewa Wild Bill pour un article qui fut publié dans le magazine Harpers de Février 1867. En plus de décrire le combat contre TUTT, NICHOLS donnait les détails d’une version de l’affaire Mc. CANLES qui décrivait HICKOCK presque comme un héros Homérique se débattant contre neuf hommes armés provenant du gang des « M’Kandlas », des sympathisants des Confédérés.
Selon NICHOLS, Wild Bill tua tous ses adversaires avec un fusil, un revolver et un couteau, en dépit du fait d’avoir été atteint de onze chevrotines. Le reste de l’article détaillait d’une manière adulatoire les exploits fantastiques de HICKOCK alors qu’il était éclaireur et espion pour les Fédérés pendant la guerre. Il est probable que HICKOCK, voulant seulement s’amuser avec son interlocuteur à lui raconter des histoires typiques de la frontière, n’ait pas prévu que la publication de l’article du Harpers en ferait une célébrité nationale, mais elle le fit. Le pays, soufrant d’un malaise d’après-guerre, recherchait de nouveaux héros. NICHOLS, répondant à cette demande nationale, ménagea une niche à Wild Bill dans le panthéon américain. Bien que certains des exploits relatés dans l’article de NICHOLS furent réfutés par des journalistes de la frontière, l’avis général était que HICKOCK était en fait un homme au tir rapide et précis, et que ses services pour l’Union, s’ils n’atteignaient pas les taux d’improbabilité suggérés par NICHOLS, étaient reconnus d’importance locale.
C’est sans aucun doute grâce à ce qu’il avait fait pendant la Guerre Civile, que HICKOCK reprit du service auprès du gouvernement à Fort Riley, Kansas, en Janvier 1866. Il travailla de manière intermittente pendant les trois années suivantes pour le Département de l’Intendance de l’Armée, à pister des voleurs de matériel appartenant au gouvernement et à servir aussi d’éclaireur Indien et de Deputy U.S. Marshall, c’est-à-dire flic. Le penchant de HICKOCK à attirer les journalistes le fit rencontrer Henry Morton STANLEY, le futur explorateur africain, qui couvrait totalement, et efficacement, Wild Bill pour le Democrat de Saint Louis. Après avoir rendu visite à sa famille dans l’Illinois en Avril 1869, et en convalescence suite à la blessure d’un coup de lance Indienne qu’il avait pris au cours d’une reconnaissance pour l’armée, HICKOCK revint vers l’ouest et reprit ses fonctions de Deputy Marshall, à Hays City, Kansas. En plus de ses fonctions fédérales, Wild Bill fut « élu » Sheriff du conté de Ellis par le comité de vigilance de Hays City et le conseil d’administration du conté en Août 1869. Le 22 août, HICKOCK tira sur un homme ivre qui devenait agressif et qui commençait à jouer du pistolet, et le tua. Un mois plus tard, il expédia vers ses ancêtres un autre voyou du coin appelé STRAWHUN, le Hun de paille, en réglant une histoire de bagarre de saloon. Son élection déclarée illégale par un tribunal, Wild Bill postula pour ce poste de Sheriff mais ce fut Peter LANIHAN qui l’obtint. Il quitta le poste à la fin de l’année, mais continua à exercer comme officier fédéral, arrêtant les voleurs de mules et les bûcherons qui coupaient des arbres illégalement. En Juillet 1870, HICKOCK fut attaqué par plusieurs soldats du 7ème. Cavalry dans un saloon de Hays City. Cloué au sol, il parvint à s’en tirer avec son revolver, tuant l’un des soldats et en blessant sérieusement un autre. Bien que courageux, Wild Bill n’était pas fou, et il quitta Hays City plutôt que de régler les choses avec ses armes contre plusieurs centaines de militaires de la cavalerie. Il s’avéra par la suite que ni le gouvernement, ni les cavaliers, ne daignèrent donner suite à l’affaire. Au cours de son séjour à Hays City, Wild Bill fit plus que forger sa légende. Il était très habile au revolver, ses coups étaient mortels et c’était un excellent officier de paix pour les standards de l’époque. Sa réputation d’homme de loi était maintenant fermement établie et elle le mena directement vers son emploi suivant.
Lorsque Tom SMITH, le Marshall d’Abilene, fut assassiné, le conseil municipal lui donna plusieurs successeurs mais aucun ne faisait l’affaire. Il s’adressa alors à HICKOCK, qui fut nommé au poste le 15 Avril 1871. La ville d’Abilene, terminus du « Mc. Coy’s Extension » sur la fameuse piste à bétail Chisholm qui venait du Texas, était divisée en deux par les rails du chemin de fer de la Kansas Pacific. La zone où le bétail était débarqué des wagons à Abilene formait la « Mc. Coy’s Addition ». C’était littéralement « de l’autre côté des rails ». Elle fourmillait de cow-boys, de prostituées, de souteneurs, de joueurs et de voleurs, et elle était noyée d’alcool. On sait que Wild Bill HICKOCK parvint à maintenir l’ordre dans cette « addition » pendant huit mois sans tuer personne. Pourtant, la nuit du 5 Octobre, il rencontra une bande de Texans ivres dirigée par le joueur Phil COE, qui brandissait un revolver avec lequel il venait juste de tirer. Certains historiens prétendent qu’il y avait du « mauvais sang » entre HICKOCK et COE, à propos de l’affection d’une « colombe salie ». Quoi qu’il en soit et comme COE levait son arme, Wild Bill dégaina, tira et blessa mortellement le Texan. Se retournant instinctivement, HICKOCK tira à nouveau sur un homme qui venait vers lui dans l’ombre. Malheureusement, la seconde victime de Wild Bill était son ami et l’un de ses adjoints, Mike WILLIAMS.
Pendant que COE mourait, HICKOCK, révolté par la mort de WILLIAMS, ferma tous les saloons et les bordels de la ville. Bien que les Texans, eux aussi enragés mais par la mort de COE, eussent mis à prix la tête de Wild Bill, personne n’osa la chercher. En Décembre, le conseil de la ville, dégoûté par le côté sordide du commerce des bestiaux, annonça que les « conducteurs » n’étaient plus les bienvenus à Abilene. Et comme en conséquence il n’avait plus besoin de son ancien paladin pour terroriser les rudes Texans, il réduisit les dépenses municipales en renvoyant le Marshall HICKOCK. Persuadé qu’il n’avait plus la rapidité nécessaire avec un six-coups, Wild Bill ne servit plus jamais comme homme de loi, peut-être à cause de sa vue qui baissait, un facteur qui peut avoir contribué à tirer accidentellement sur WILLIAMS, lequel fut le dernier homme à tomber devant ses revolvers. HICKOCK était âgé de trente quatre ans lorsqu’il quitta Abilene. La « frontière du milieu » sur le « Kansas sanglant » avait vécu, et la Guerre Civile était bien finie. Les Indiens, poussés plus à l’Ouest, disparaissaient en même temps que sa vue baissait. Pendant les cinq années qui suivirent, Wild Bill erra à la dérive, jouant pendant un petit moment pour un vieil ami, Bill CODY, dans un désastre théâtral qui s’appelait « Les Eclaireurs des Prairies ». Malheureux et comme CODY n’arrivait pas à s’adapter au « show business », HICKOCK s’en revint vers l’ouest, sans passer par le Kansas qui se civilisait de plus en plus, et s’en fut vers le Wyoming. A Cheyenne, il reprit son vieux métier de joueur professionnel et prépara vaguement une expédition vers les Black Hills, les Collines Noires, pour y chercher de l’or, sans que l’on sache si c’était en y jouant aux cartes ou aux dés, ou en y creusant le sol. Wild Bill n’était plus le tireur au regard perçant de l’époque de Hays City ou d’Abilene, mais on lui donnait encore une place de choix au sein de la communauté « sportive » de Cheyenne. En Mars 1876, pourtant, il fit un pas de plus sur le chemin de la civilisation en épousant Agnes Lake THATCHER, une veuve qui possédait un cirque et à qui il écrivait depuis plusieurs années. Agnes finança à crédit le voyage vers les Black Hills dont il parlait depuis longtemps mais pour lequel il n’avait pas l’argent, et il arriva à Deadwood le 12 Juillet. Cinq jours plus tard, il écrivait à sa femme « Je suis sûr que ça va bien se passer… » Le 2 Août 1876, à trois heures de l’après-midi, Jack Mc. CALL, un petit vagabond sans motifs apparents, s’approcha par derrière, mit son revolver contre la tête de Wild Bill HICKOCK, et laissa le chien s’abattre sur la seule bonne cartouche que contenait le barillet, en l’envoyant vers l’éternité. Ah, que voilà une bien triste fin pour un tireur d’élite et un aventurier, l’ancien éclaireur chasseur d’Indiens et de voleurs, le sheriff qui réglait les comptes à sa manière au plus grand plaisir des lâches bourgeois qui avaient trop peur de se faire flinguer et des riches avares qui ont préféré le jeter comme un malpropre une fois qu’il avait bien fait le ménage chez eux, cet homme qui voulait faire un peu d’argent pour enfin vivre paisiblement avec sa femme, et qui se fait tirer une balle dans la tête par un crétin, et par derrière, la façon la plus lâche de tuer un homme dans l’Ouest, et en plus de cela, par la seule cartouche en bon état que contenait le revolver de son assassin. Ca ne peut pas être autre chose qu’un mauvais coup du sort.
La fumée s’était à peine dissipée du saloon Number 10 et le corps du plus grand pistolero de tous les temps était à peine en terre, que les fabricants et briseurs de mythes se bagarraient déjà autour de son âme. Bien entendu, ils avaient plus de matériel qu’il n’en fallait en moyenne pour travailler avec. Contrairement à celles d’autres héros, la légende de Wild Bill HICKOCK commença alors qu’il était encore vivant, une situation qu’il partagea avec les autres cheveux longs George Armstrong CUSTER et Buffalo Bill CODY. L’article de NICHOLS avait servi de fondation à la fois pour l’élaboration et le dénigrement. En Juillet 1867 et comme HICKOCK se faisait rattraper par la littérature populaire de bas niveau, on publia « Wild Bill, the Indian Slayer », Wild Bill, le Tueur d’Indiens, dans les « Ten Cent Romances », les Romances à Dix Centimes, de De WITT. L’illustration de la couverture de ce récit, qui était piraté de l’article du Harper’s, montrait inexplicablement Wild Bill en train d’anéantir le gang des « M’Kandlas », plutôt que des Indiens. Un peu plus tard, De WITT publia « Wild Bill’s First Trail », la Première Piste de Wild Bill, une descente encore plus profonde dans la fosse d’aisance littéraire des histoires à dix sous. Malheureusement, la vérité sur HICKOCK n’a pas été très bien servie non plus par des écrivains plus sérieux. Mari SANDOZ était peut-être la plus grande artiste qui écrivît sur l’ouest Américain, et l’une des rares personnes de race Blanche qui comprenaient bien l’esprit des Indiens. Pourtant, Madame SANDOZ n’aimait pas beaucoup Wild Bill HICKOCK. Dans « Le Chasseur de Bisons », elle l’accusait, en se basant uniquement sur des on-dit, d’avoir assassiné le chef Sioux WHISTLER, le Siffleur.
William Elsey CONELLY, le premier biographe sérieux de Wild Bill, était de ceux qui n’ont pas peur de déformer les faits dans l’autre sens pour insérer son héros à une époque et un lieu convenant plus à l’histoire qu’il écrivait. CONNELLY n’avait pas peur non plus de publier comme véritables, et sans les vérifier, des anecdotes qu’il récoltait auprès des hommes de la frontière prétendant avoir connu HICKOCK. Le livre « Wild Bill HICKOCK de Richard O’CONNOR, publié en 1950, avait mit les biographes à l’œuvre mais reprenait un certain de nombre de mythes lui aussi, y compris la légende disant que HICKOCK avait guidé le Sénateur Henry WILSON dans un tour sur l’Ouest en 1869. O’CONNOR acceptait lui aussi l’assertion que le combat de HICKOCK avec les cavalier de la 7ème. en 1870 avait été commanditée par le Capitaine Thomas CUSTER, le frère de « cheveux longs » CUSTER et qui allait mourir avec lui à Little Big Horn, qui aurait utilisé ses hommes pour assouvir une rancune personnelle qu’il aurait eu avec Wild Bill. S’il y avait eu la moindre raison valable pour Tom CUSTER d’entretenir quelque animosité contre HICKOCK, il n’en existe pas la moindre trace historique. Il est également improbable que CUSTER, qui avait reçu deux fois la Médaille d’Honneur pendant la Guerre Civile, ait hésité à régler lui-même l’affaire avec Wild Bill s’il eût senti qu’il avait des raisons de le faire, encore qu’il y ait un doute considérable, dans l’esprit de cet auteur, qu’il eût survécu à une telle rencontre. Quatre vingt huit années passèrent entre le moment où le corps de James Butler HICKOCK gisait sur le plancher sale du saloon Number 10 et une biographie précise et définitive. Il est intéressant de noter qu’elle fut écrite par un Anglais, Joseph G. ROSA. Le portrait du meilleur tireur de la frontière, They Called Him Wild Bill, On l’appelait Wild Bill, fut brossé par ROSA avec le talent méticuleux d’un recherche sérieuse, et d’une bonne connaissance des armes du XIXème. siècle. Il ne semble pas que quelqu’un d’autre fera un jour une meilleure étude de HICKOCK. ROSA n’a pas seulement fait exploser les vieux mythes et recherché des faits nouveaux, mais sa connaissance des armes lui a permis de faire des hypothèses sur les armes à feu que Wild Bill a probablement utilisées, tout comme sur son habileté à les utiliser. Bien que les éléments de preuve disponibles indiquent que HICKOCK pût avoir choisi, à la dernière année de sa vie, des revolvers à cartouches métalliques, dont des conversions en .38 Colt à partir de revolvers à percussion, il y a peu de doute que tous ses exploits au tir ont été accomplis avec des revolvers utilisant des capsules et des balles rondes, très probablement des colt Modèles 1851 Navy. La carrière de gunfighter, celui qui se bat avec des armes à feu, de Wild Bill commença en 1861 et dura jusqu’en 1871, quand il rangea ses revolvers. Il est certain que HICKOCK n’utilisa jamais au combat le fameux Colt « Peacemaker », mis sur la marché en 1873, et il est probable qu’il n’en posséda pas un de sa vie. De ses propres aveux à NICHOLS, Wild Bill tira sur Mc. CANLES avec un « Hawkins » à Rock Creek. Les fameux fusils « Hawken » fabriqués par les frères Jake et Sam HAWKEN à St. Louis étaient des armes de gros calibre, en moyenne du .53, solidement faites, au fût demi-long, et populaires parmi les hommes des montagnes et les autres hommes de l’Ouest avant la Guerre Civile. Le terme Hawken, très souvent mal utilisé et dit Hawkin ou Hawkins, devint, à l’époque et encore aujourd’hui, un terme générique pour tous les fusils à demi-fût en gros calibre. On utilisa une photographie de l’un de ces fusils génériques « Hawkins », provenant de la collection du Nebraska Historical Society, pour illustrer un récent article sur HICKOCK, et on y dit que c’était l’arme qui tua Mc. CANLES. Il n’y a cependant pas d’autre indication sur la provenance du fusil. Bien que Mc. CANLES fut tué par une arme d’épaule, la célébrité de Wild Bill provient de son habileté à l’arme de poing. Il raconta à NICHOLS qu’il avait utilisé un Colt Navy en calibre .36 à Rock Creek, après avoir posé son fusil. Le Colt Navy était une arme extrêmement populaire sur la frontière, et on la considérait comme suffisamment puissante pour l’auto-défense, tout en étant assez légère pour qu’on pût la porter dans un étui à la ceinture. Ce fut la première arme pratique à combiner ces deux qualités. HICKOCK portait une paire de ces revolvers, d’abord dans des étuis et plus tard simplement passés dans une large ceinture qu’il passait autour de ses reins. Les crosses de ses revolvers étaient dirigées vers l’avant, permettant de les saisir d’une main ou de l’autre, une particularité qui lui sauva apparemment la vie lorsqu’il se battit avec les deux soldats du 7ème. Cavalry. Wild Bill parvint à dégager sa main gauche et put tirer sur les deux hommes. Bien qu’il semble qu’il fût un peu ambidextre, HICKOCK portait deux revolvers, tout comme beaucoup d’hommes armés à l’époque de la percussion, de façon à disposer de douze coups sans recharger, une opération qui prenait du temps même si on avait des barillets séparés, déjà chargés. On dit que, lorsqu’il fut Marshall à Abilene, HICKOCK était un véritable arsenal ambulant, portant en plus de ses revolvers, deux Deringers Williamson à un coup et un fusil de chasse double à canon scié.
Wil Bill aimait les crosses en ivoire sur ses revolvers, une préférence qu’il partagea au vingtième siècle avec l’expert en revolvers Elmer KETIH. Bien que l’ivoire, à cause de son prix, soit rarement vue sur des armes modernes, il n’y a rien qui puisse égaler cette sensation mélangée de douceur et de solidité dans la prise en main d’un revolver à simple action. Les crosses en ivoire contribuent aux qualités de tir d’un revolver, et elles ne sont pas de la simple cosmétique comme celles en nacre, qu’un autre amateur de crosses en ivoire, le Général PATTON, disait qu’elles étaient juste pour les « maquereaux ». On connaît un revolver Colt Navy aux crosses en ivoire, gravé « J.B. Hickock 1869 » sur le haut de la carcasse, qui est censé avoir survécu à HICKOCK. On a dit que ce revolver, tout comme son pendant qui manque d’ailleurs, furent offerts à Wild Bill par le Sénateur WILSON en 1869 et, selon le biographe O’CONNOR, furent « …les armes aux poignées blanches qu’il porta jusqu’à la fin de ses jours. » Il semble que le fait soit inconnu de O’CONNOR, mais HICKOCK portait des « armes aux poignées blanches » avant 1869, et ROSA dit qu’il ne rencontra jamais WILSON. Le célèbre photographe de la Guerre Civile Alexander GARDNER, prit une photo d’un groupe d’hommes à Fort Harker, Kansas, en Septembre 1867. L’examen de ce cliché montre clairement le Deputy Marshall HICKOCK portant une paire de revolvers aux crosses en ivoire, enfoncés dans leur étui et crosses pointant vers l’avant. O’CONNOR fut responsable d’avoir raconté plusieurs histoires fantaisistes sur les armes de HICKOCK. Il écrivit que Wild Bill « …préférait le Colt .44 à double action. » C’est là une affirmation intéressante, tout spécialement si on considère que Colt ne produisit pas de revolver à double action en .44 avant 1878, deux ans après la mort de HICKOCK. Par contre, il y a un revolver à double action Belge, une copie du Beaumont-Adams Anglais en .45, dans la collection de la Société Historique l’Etat du Kansas. Cette arme fut offerte à la société comme une pièce ayant appartenu à HICKOCK, mais il n’existe pas de document qui puisse le certifier. L’histoire que O’CONNOR tire peut-être le plus par les cheveux, et avec le Wild Bill, il y avait de quoi vu la longueur de sa chevelure, concerne une arme qu’il décrit simplement comme « un Colt portant le numéro de série 139345 », qu’un homme du nom de Fred SUTTON aurait acheté à Pat GARETT. Selon SUTTON, l’arme aurait été donnée à GARETT par la sœur de HICKOCK, Lydia, une histoire pour laquelle il n’y a pas la moindre preuve. On dit que GARETT utilisa l’arme pour tuer Billy le Kid en 1881. Si l’arme avait été un Colt Navy, le numéro de série l’aurait placé dans la production de 1864. Cependant, il est extrêmement peu probable que GARETT ait fait face à Billy le Kid avec un revolver obsolescent alors que l’usage de revolvers à cartouches métalliques était universel au soin des tireurs sérieux. Et s’il s’était agi d’un Colt Single Action Army, le numéro de série l’aurait daté de 1892, ce qui se passe de commentaires. On peut penser que HICKOCK utilisa d’autres revolvers que des Colt Navy. On l’a vu faire une démonstration de tir au début des années 1870 pendant qu’il voyageait avec CODY, où ses revolvers étaient des Colt et Remington en .44. Il pouvait s’agir de revolvers à percussion, des Colt 1860 et Remington 1863, ou bien les mêmes armes converties aux cartouches métalliques. Les deux grands fabricants convertissaient leurs armes à percussion aux cartouches à cette époque, et Colt mit son premier revolver à cartouche métallique sur le marché en 1871. Un certain nombre d’armuriers privés répondaient également à la demande du public et convertissaient des armes à percussion dans leur propre atelier. C’est donc que les armes de ce type étaient relativement communes. Il faut noter toutefois que Charles GROSS, qui connut HICKOCK à Abilene, disait, en parlant des cartouches métalliques, que « Bill ne voulait pas les utiliser ». En 1960, ROSA, qui préparait son manuscrit sur HICKOCK, correspondit avec le père du tir moderne de combat américain, Jeff COOPER, au sujet des possibilités de précision des revolvers à capsules et à balles. COOPER, que HICKOCK intéressait en tant que pionnier du « tir pratique », fit faire une série de tests au stand du Eaton Canyon Muzzle Loader’s Association, l’Association des Arquebusiers d’Eaton Canyon, à Pasadena, Californie, et en publia les résultats dans le numéro de Mars 1960 du magazine Guns & Ammo. COPPER se fit assister par une équipe de tireurs du club d’Eaton Canyon, qui apportèrent leurs propres armes. Nom de Dieu, çà, ça devait être bien ! Chez nous en France, les gens qui tirent à la poudre noire sont considérés comme des rigolos par les tireurs classiques, faut dire qu’il y a beaucoup de rigolos, et chez les Arquebusiers, on se prend la tête avec des histoires de points…Toutes ces armes étaient des originales en excellent état de tir, et comprenaient une paire de Colt Navy 1851 en .36, une paire de Colt Army 1860 en .44 et un Remington Army en .44. Chaque revolver fut chargé avec des balles rondes sur 25 grains de FFg dans les calibres .36 et 35 grains du même carburant dans les .44.
Ces charges se rapprochaient des charges réglementaires des années 1860. En reprenant une liste d’exploits attribués à HICKOCK et fournie par ROSA, l’équipe de COOPER dissipa des années de foutaises imposées au public par des générations d’écrivains naïfs ou dupes, et qui n’avaient pas la moindre notion de ce que c’est que le tir. COOPER démontra que des histoires aussi invraisemblables que celle qui est racontée par NICHOLS, où HICKOCK aurait mis « six balles dans un cercle qui n’était pas plus grand qu’un cœur humain » à cinquante yards « sans viser avec ses yeux », étaient pratiquement « impossibles à réaliser compte tenu des circonstances ». Ca, c’est sûr ! Quand on a des tireurs sportifs qui font des 100 sur 100 à vingt cinq mètres en Mariette ou en Colt lors des concours, ce sont de sacrés champions. Et encore, un 100, c’est exceptionnel. Au Mariette, je n’en ai jamais vu faire de mes yeux, mais je sais que ça existe puisqu’on en voit de temps en temps sur les palmarès. Généralement, on trouve plutôt des 97 ou des 98. Et là, c’est à bras franc, dans le calme, et surtout en visant. Et cinquante yards, ça fait un peu moins de quarante six mètres, pas vingt cinq. Quand on connaît les faibles qualités balistiques de la boule de plomb, on peut commencer à réfléchir sur la précision à une telle distance. Un 100 à vingt cinq mètres représente dix coups dans un cercle de six à sept centimètres, et tout ce qui est entre 90 et 100 veut dire qu’il y a des 9, c’est-à-dire une zone qui est un tout peu plus grande qu’un cœur humain. Alors, six coups dans le 9 à quarante cinq mètres sans viser et dans le stress du combat, moi, je voudrais bien le voir ! De tous les témoignages sur les prouesses de Wild Bill au tir, le plus crédible est celui de Robert A. KANE, qui écrivit deux articles au début du vingtième siècle en donnant des détails sur un spectacle qu’il avait vu au début des années 1870. Tous les tours d’adresse que relata KANE, y compris toucher des briques de la hanche à quinze yards et faire rouler une boîte de conserve de quatre quarts en tirant de chaque main à dix yards, sont possibles et peuvent être réalisés par un tireur bien entraîné au revolver. Aussi important que fut l’article de COOPER, il passa inaperçu des auteurs de scénarios, à une époque où les écrans de télévision étaient inondés de westerns. L’auteur se rappelle encore clairement Huge O’BRIEN, incarnant un Wyatt EARP tout propre et rasé de près, disant à l’un de ses compagnons qu’il était capable de « caresser » le crâne d’un homme à cinquante bons yards avec son Buntline Special, une arme totalement mythique. Ah, oui ! Le Buntline. Ce truc au canon démesurément long, attribué à un certain Ned BUNTLINE qu’on ne connaît pas autrement comme armurier, peut-être était-ce un propriétaire, un écrivain ou un metteur en scène de la Belle Epoque, et avec lequel cela doit être pratiquement impossible de tirer correctement d’une main ou autrement qu’avec une crosse rajoutée. D’autant plus que les traces les plus anciennes qu’on ait d’un Buntline datent de Janvier 1881 sous la forme d’une simple lettre, pas une arme, et que tous les Colt Buntline connus portent des numéros de série qui les datent de 1907 pour les plus vieux. De tels portraits irréalistes d’hommes et sur la précision de leurs armes, combinés avec le mythe du « fast draw », l’histoire où c’est à celui qui dégainera le plus vite, un autre mythe issu tout droit de Hollywood, ont donné une fausse impression de l’Ouest américain à toute une génération, sinon plus. La confrontation classique de deux adversaires dans la rue d’une ville de l’Ouest fut le produit de l’imagination de scénaristes de Brooklyn. Je lis bien Brooklyn, et pas Hollywood. Or, Brooklyn, c’est à New York sur la côte Atlantique, et Hollywood c’est à Los Angeles, de l’autre côté du continent, sur la côte Pacifique. L’auteur américain se serait-il trompé, ou alors ma culture cinématographique serait si pauvre que çà ? Peut-être que les scénarii de l’époque s’écrivaient dans les mansardes des quartiers pauvres et qu’on allait ensuite les jouer sous le soleil de la Californie, pour oublier la tuberculose et les bagarres de rues entre juifs, Italiens, Irlandais et nègres ? Mais le combat de HICKOCK contre TUTT dans le parc peut très bien avoir donné naissance à ce mythe. Jeff COOPER nota qu’aucune personne contemporaine de HICKOCK n’avait jamais décrit quoi que ce soit sur sa manière de dégainer rapidement, à part le fait qu’il était « vite ». La conclusion de COOPER était qu’un bon tireur de l’Ouest au XIXème. siècle avait besoin d’être assez rapide à mettre son arme en action, il devait savoir s’en servir avec précision et il devait être animé à la fois de la grâce sous pression et d’une disposition à tuer son adversaire sur-le-champ. Si c’est Jeff COOPER qui dit çà, c’est obligatoirement vrai. Le mec a servi dans l’armée pendant plusieurs guerres et avec les Forces Spéciales.Dans le métier de tireur, la vitesse de l’éclair et même la précision du tir ne suffisent pas. Celui qui hésite à l’idée de tuer un autre être humain est perdu. Au cours de ses rencontres au face à face, James Butler HICKOCK n’a jamais hésité. Il était vraiment le « Prince des Pistoleros ». Et un tueur.