Des héros ou des truands ?
Traduction d’un article de Joe BILBY paru dans D.G.W. Blackpowder Annual 1988
Le soleil du 30 Avril 1884 se levait tristement sur la ville de prairie de Medecine Lodge, au Kansas. C’était le dernier matin que verrait Henry BROWN, l’officier de police tout nouvellement marié et en charge de la ville toute proche de Caldwell. L’homme de loi de 27 ans mourrait ce jour-là, suite à une attaque de banque à main armée sur Medecine Lodge. Il est intéressant de noter que BROWN ne mourut pas héroïquement en défendant la banque, mais paya de sa tête pour l’avoir dévalisée. BROWN et son député, Ben WHEELER, alias Ben ROBERTSON, étaient partis de Caldwell quelques jours plus tôt, sous prétexte de courir après des voleurs de bétail dont ils auraient été sur la piste. Une fois tranquilles en dehors de la ville, le marshal et WHEELER rejoignirent deux petits malfrats, William SMITH et John WESLEY, et le quartet chevaucha vers Medecine Lodge, sous-entendu pour attaquer la Medecine Valley Bank . L’attaque tourna en fiasco, et les bandits frustrés tuèrent le président de la banque E.W. PAYNE ainsi que le caissier George GEPPERT. Poursuivis par un détachement d’hommes en colère sous les ordres du shérif, BROWN et ses hommes se ruèrent désespérément vers une cache où ils avaient mis des chevaux frais en réserve qui auraient pu leur permettre de s’échapper. Malheureusement pour eux, les bandits se trompèrent de direction, ils furent piégés et rapidement capturés. Mais putain, je t’avais dit que c’était à droite, conaud ! L’incarcération dans la prison de fortune de Medecine Lodge apporta peu de protection aux braqueurs de banque. Les citoyens de la ville, enragés par les meurtres de PAYNE et de GEPPERT, qui étaient des gens connus et aimés, se précipitèrent dans la prison et traînèrent les tueurs dehors. L’ancien marshal BROWN tenta de s’enfuir en courant, mais il fut coupé en deux par une décharge de fusil de chasse. Ses trois camarades de crime furent pendus sommairement. C’est un lynchage. Bien qu’ils ne fussent pas aussi courants que les scénaristes ou les écrivains de romans à quatre sous voudraient nous le faire croire, les attaques de banques à main armée et les lynchages ne furent certainement pas des évènements inconnus dans l’Ouest américain du XIXème. siècle. Malheureusement, le cas de l’homme qui avait prêté serment de défendre « la loi et l’ordre » et qui avait passé la ligne le séparant du banditisme pour son profit personnel, ne l’était pas non plus. Qu’il le sût ou non, le comportement outrageux de BROWN eut un précédent avec celui de Henry PLUMMER. PLUMMER, né au Connecticut en 1837, fut attiré en Californie vers 1850 par la fièvre de l’or. Loin d’être de ceux qui courraient après la chimère de l’Eldorado dans les collines, PLUMMER ouvrit une boulangerie à Nevada City en 1853, gagnant un peu de liquide en extra comme joueur indépendant. Présentant bien et habile avec une arme, il fut élu marshal de la ville en 1856. Mais cet homme de loi de 19 ans avait un gros défaut, un penchant pour les dames, pour les dames des autres hommes. L’une de ces affaires se finit au pistolet et le jeune marshal se retrouva condamné à dix ans de prison pour avoir tué un mari jaloux. Gracié au bout d’un an, PLUMMER fut bientôt mêlé à une série de combats de saloon et de braquages, et il tua un autre homme. Bien que remis en prison, il s’échappa et partit vers le Nord. L’homme de loi renégat se tailla un chemin plein de meurtres et d’adultères à travers l’Oregon et l’Etat de Washington, en route vers les mines d’or du Montana, où il s’établit comme joueur à Bannack et prépara secrètement la création d’une bande organisée « d’agents de la route ». A cette époque, il réussit à se faire engager comme marshal. Mais PLUMMER déménagea bientôt vers des cieux plus propices à Virginia City, où il fut à nouveau élu marshal et développa ses activités de bande organisée. Les capacités d’organisation d’Henry PLUMMER étaient sans aucun doute excellentes, et s’il les avait utilisées dans des voies plus sociables, on se serait souvenu de lui comme de l’un des pères fondateurs du Montana. Cependant et au lieu de cela, un comité de Vigilants termina sa carrière de bandit avec un badge attaché au bout d’une corde en Janvier 1864. « L’étoile sur la corde », un vrai titre de film. Les marshals renégats BROWN et PLUMMER ne furent pas les seuls dans l’histoire de l’Ouest. Burt ALVORD, un avocat respecté en Arizona, fut arrêté en 1900 pour avoir conduit une bande de dévaliseurs de trains alors qu’il était policier à Wilcox. « Buffalo Bill » BROOKS, premier marshal de Newton, Kansas, et plus tard policier à Ellsworth, Kansas, attendit d’en avoir terminé de faire respecter la loi avant de commencer sa carrière de voleur de chevaux. En 1874, il fut pendu lui aussi, les bottes aux pieds. Les DALTON, membres de ce qui fut considérée comme toute une famille de brigands, furent plus connus du grand public de leur époque et des générations qui suivirent, comme des hommes de loi qui avaient mal tourné.
En vérité, seuls quatre des quinze enfants DALTON devinrent hors-la-loi, alors qu’au départ ils avaient juré de la défendre. Après que Frank DALTON, un marshal député des U.S. chargé du Territoire Indien, aujourd’hui l’Oklahoma, fût assassiné par des trafiquants de whisky en 1884, ses jeunes frères suivirent sa voie en portant le badge. Si l’affaire avait continué à la manière d’Hollywood, les trois frères vengeurs auraient nettoyé le Territoire. Malheureusement, Grattan, Bob et Emmet DALTON, bien qu’ayant juré de défendre la loi, exigèrent bientôt, et reçurent, des pots de vin et volèrent des chevaux sous le couvert de leur badge. La raison qui les poussait à passer la ligne continue semble avoir été simple : l’argent facile. Après avoir, dans de sombres circonstances, quitté leur poste d’homme de loi, les frères développèrent leurs affaires de vols de chevaux. En Décembre 1890, Grat et Bob voyageaient vers la Californie pour rendre visite à un autre de leurs frères, Bill, lequel menait une existence apparemment sans faute et était un personnage prometteur dans l’administration locale, jusqu’à ce que ses frères arrivent. En Février 1891, les DALTON de l’Oklahoma attaquèrent un train à Atila, Californie, et tuèrent le chauffeur. La piste des bandits mena à la maison de frère Bill, où Grat fut arrêté. Celui-ci s’échappa de captivité et se réfugia en Oklahoma où lui, Bob et Emmet formèrent succinctement le gang des DALTON. La bande se fraya une piste d’attaques de trains à travers l’Oklahoma jusqu’au Kansas, où les DALTON essayèrent de surpasser les JAMES Boys, de lointains parents des DALTON et des YOUNGER qui firent partie du gang de Jesse JAMES, en attaquant deux banques simultanément à Coffeyville, leur ville natale. Le 5 Octobre 1892, ils finirent de manière désastreuse sous une grêle de balles tirées par une foule déterminée et bien armée. Au cours de ce combat, qui fut l’un des plus sanglants dans l’histoire de la frontière, quatre des cinq bandits ayant mis les pieds dans Coffeyville ce jour-là périrent, en même temps que quatre citoyens locaux. Tout le monde connaît cette photo où l’on voit les quatre brigands morts de Coffeyville, Tim EVANS à gauche, Bob et Grat DALTON au milieu, reliés entre eux pour l’éternité par une carabine Winchester « 92 », et Dick BROADWELL à droite, tous avec leurs chaussures aux pieds, couchés sur des planches et pleins de trous comme des troncs d’arbres sur lesquels on se serait entraîné au tir. Derrière, un enfant regarde la scène d’un air intéressé, à travers une ouverture pratiquée dans les planches cassées de la palissade. Emmet DALTON, bien que criblé de chevrotines et de balles, survécut et fut condamné à la prison à vie. Il fut gracié et relâché après avoir fait quinze ans de prison. Après une apparition comme agent immobilier, Emmet déménagea en Californie en 1920 et devint scénariste, petit acteur et conseiller dans l’industrie naissante du film Western. Il y a une note finale ironique dans l’histoire des DALTON. Sa carrière politique ruinée par la réputation de ses frères, Bill revint en Oklahoma après le drame de Coffeyville et devint un bandit lui aussi, se mettant en équipe avec le dernier membre de la bande de ses frères, Bill DOOLIN. En Septembre 1895, un détachement aux ordres du shérif rattrapa Bill DALTON et, comme il tentait de saisir son arme, le tua devant les yeux de sa femme et de ses enfants, près d’Ardmore, Oklahoma. Et pan ! Dans la’g’l. Et devant ta morue et tes chiards. T’avais qu’à te tenir à carreau, narvalo. Moi, j’ai fait le ménage, et comme çà, les autres sauront à quoi s’en tenir s’ils ont envie de faire les cons. Parmi les hommes de loi de l’Ouest qui passèrent la ligne les séparant du banditisme, peu d’entre eux acquirent la réputation des DALTON, mais beaucoup d’autres firent l’aller-retour entre la délinquance et le droit chemin, ressortant et y retournant régulièrement. Pourtant, les suspicions et les accusations de délits qui variaient du vagabondage au meurtre, ne constituaient pas nécessairement des obstacles pour qu’un candidat obtînt une place de représentant de la loi, même s’il était connu des autorités qui l’embauchaient. L’arrestation de Wyatt EARP au début de 1870 pour vol de chevaux sur le Territoire Indien, n’empêcha pas les doyens de la ville de Wichita, Kansas, de le nommer au poste de policier municipal en 1875. Durant toute la période où il officia, Wyatt fut mêlé à de probables détournements d’amendes pour prostitution, et put même avoir été souteneur. Une arrestation pour rixe sur la voie publique termina la carrière de EARP à Wichita comme policier, et il partit vers l’Ouest à Dodge City, où il trouva un emploi de policier et d’assistant marshal. Bien qu’il n’accomplît aucun des exploits que les séries populaires de télévision lui attribuèrent il y a une trentaine d’années, ou bien la biographie douteuse d’où sortirent ces histoires, EARP semble s’être comporté de manière crédible comme policier à Dodge City, et il y devint même diacre. Pour bénir ceux qu’il expédiait Ad Patres. En 1879, Wyatt déménagea en Arizona avec son entourage, dont ses frères et le fameux dentiste Doc HOLLIDAY. En chemin, il s’arrêta à Mobeetie, Texas, où lui et « Mysterious Dave » MATHER furent accusés d’avoir monté une arnaque à la « brique d’or ». C’est peut-être un truc où l’on vend aux idiots une brique couleur peinture dorée à la place d’un lingot.
Arrivé à la ville minière de Tombstone, Arizona, Wyatt y travailla à l’occasion comme garde armé accompagnateur de diligence, et y vécut comme joueur indépendant. Plus tard, EARP s’intéressa à l’Oriental Saloon, et tenta, sans y réussir, d’accéder au poste lucratif de shérif du comté de Cochise, un poste qui incluait dans ses revenus un pourcentage sur les taxes collectées. Mais bien qu’il n’obtint pas le poste de shérif du comté, Wyatt fut nommé marshal de la ville de Tombstone par son frère Virgil. En Octobre 1881, Wyatt et Virgil, avec leur frère Morgan et Doc HOLLIDAY, descendirent les CLANTON et les Mc. LAURY lors du fameux combat de O.K. Corral. Après d’autres morts d’hommes de part et d’autre, le clan EARP quitta l’Arizona pour l’Ouest, avec un petit détour en Alaska en 1901, prenant enfin sa retraite en Californie. Il gagna sa vie comme joueur, mineur et parfois comme escroc. L’accusation la plus grave retenue contre EARP durant ses dernières années fut que, alors qu’il arbitrait un matche de boxe en 1896 entre Bob FITZSIMMONS et Tom SHARKEY, il fit pencher le combat en faveur de SHARKEY. Bien que certains aient accusé EARP et son « gang » d’avoir rivalisé les CLANTON en matière de vols de chevaux et d’attaques de diligences pendant leur séjour à Tombstone, il n’existe pas de preuves de la véracité de ces faits. Par contre, il n’y a pas de doute que Wyatt EARP fut une « tête brûlée », dont l’interprétation de la loi et le point de vue sur la moralité dépendaient, selon les cas, de la manière où cela aurait influé sur son sort ou celui de sa famille. Plusieurs autres policiers furent beaucoup plus meurtriers que EARP. « Happy Jack » MORCO, « Jack le Content », un Mauricot qui n’arrêtait pas de ricaner bêtement quand il flinguait ses clients d’une balle dans les couilles en disant « Et encore un pour l’Enfer ! », que Bill O’NEAL décrivit dans sa dernière Encyclopédie des Gunfighters, c’est-à-dire les hommes qui se mesuraient avec leurs armes, comme un « bagarreur semi-illettré et ivrogne », devint policier à Ellsworth, Kansas, en 1873 après avoir échappé à la loi en Californie, où il avait abattu quatre hommes non armés. En fin de compte, renvoyé de la police, il fut tué après avoir sorti une arme contre un autre policier d’Ellsworth. Le nom de Bass OUTLAW, bien nommé, c’est-à-dire Bass le Hors-la-Loi, un Texas Ranger alcoolique et fou de la gâchette qui avait déjà à son palmarès plusieurs meurtres du côté de la loi et contre elle, rencontra son destin à El Paso en Avril 1894. Comme il était en ville pour témoigner devant la Cour d’Etat, OUTLAW s’encoquina avec un ivrogne bagarreur et ils firent feu dans une « maison de sport » locale. Après avoir tué un autre Ranger accouru sur les lieux, OUTLAW tira sur le policier d’El Paso, John SELMAN, qui avait été attiré sur place par les coups de feu. SELMAN, un ancien de ces gens qui se mesuraient avec leurs armes, blessa mortellement OUTLAW, qui s’en alla en chancelant pour aller mourir sur le lit d’une prostituée dans un bordel voisin. Bien qu’il rendît un service public en débarrassant le Texas de Bass OUTLAW, « Old John » SELMAN avait plus d’un squelette illégal dans son propre placard. Ancien soldat Confédéré, engagé et ré-engagé, puisqu’il déserta au moins une fois, SELMAN s’associa en affaires avec John LARN, un voleur de chevaux qui avait lui aussi servi comme shérif dans le comté de Shackleford, Texas. Après qu’une foule terminât les carrières légales et illégales de LARN en le lynchant, SELMAN partit pour le nouveau Mexique, où il monta une bande de voleurs de bétail et de brigands. Il se sauva au Texas quand l’U.S. Army et la loi se rapprochèrent trop de lui pour son petit confort. Papillonnant de part et d’autre entre le Nouveau Mexique et le Texas pour éviter des accusations diverses, « Le Vieux John » posa finalement son sac à El Paso, où il fut élu policier en 1892. Le « combat » le plus connu de SELMAN eut lieu le 19 Août 1895, lorsqu’il abattit John Wesley HARDIN d’une balle dans la tête et par derrière. Moins d’un an plus tard, SELMAN fut lui-même tué lors d’une bagarre avec un autre policier d’El Paso, George SCARBOROUGH. « Mysterious Dave » MATHER, le partenaire de Wyatt EARP dans l’affaire de la « brique d’or » de Mobeetie n’était pas, malgré son sobriquet, un personnage très complexe. Il était tout simplement, selon les termes de l’époque, un « mauvais acteur ». Né au Connecticut en 1845, MATHER volait du bétail en Arkansas au début des années 1870. Blessé à Dodge City au cours d’une bagarre au couteau, il partit pour le Texas, où il vola des chevaux et tua un homme dans le Panhandle. Après son expulsion de Mobeetie en 1879 avec EARP, il fut arrêté à Las Vegas, New Mexico, pour avoir attaqué un train. Acquitté, il fut vite nommé policier par le conseil municipal de Las Vegas. Après avoir démissionné de ce poste quelques mois plus tard, il fut complice d’une évasion de prison, déroba l’anneau en or d’une femme noire au Texas et finit comme marshal assistant à Dodge City. En Juillet 1884, il tua Tom NIXON, qui l’avait remplacé comme marshal, au cours d’un échange de coups de feu que la plupart des gens appelleraient un meurtre. L’arme de NIXON était restée dans son holster pendant que Dave lui pompait dans le corps tout un barillet plein de projectiles.
A nouveau acquitté, MATHER se déroba à la justice l’année suivante, après un nouvel incident où les armes à feu avaient parlé, et disparut des pages de l’histoire. Il existe une photo de lui, montrant un jeune type à l’air sympa, un peu sombre d’un oeil, en complet veston, nœud papillon et grande moustache noire, avec, sur son chapeau rond à larges bords plats, un bandeau où on lit « Assistant Marshal ». « Long-Haired Jim » COURTRIGHT, Le Jim aux Longs Cheveux, fut un homme de loi pourri qui disparut et réapparut au cours d’une carrière pleine de vicissitudes. Né en 1848, COURTRIGHT servit comme très jeune soldat pour l’Union pendant la Guerre Civile, sous les ordres du Général James A. LOGAN, lequel est mieux connu comme le fondateur du Memorial Day, le Jour du Souvenir. Sous les bons auspices de LOGAN, COURTRIGHT s’assura une place comme éclaireur de l’Army à la fin des années 1860, et devint marshal à Fort Worth en 1876. A la fin de sa carrière de policier en 1879, Jim se mit à travailler pour LOGAN comme contremaître au ranch du Général, dans le Nouveau Mexique. LOGAN donna à COURTRIGHT carte blanche pour éliminer les « voleurs de bétail », un terme utilisé librement pour désigner à la fois les petits fermiers qui faisaient passer leurs bêtes sur les terres de plus gros, et les vrais voleurs de bétail. L’ancien marshal tua donc deux hommes, qu’il croyait squatter sur le sol de LOGAN. Fuyant le Nouveau Mexique sous l’accusation de meurtre, Long-Haired Jim quitta le pays, réapparaissant plusieurs années plus tard lorsqu’on ne trouva plus les témoins de l’affaire. L’accusation de meurtre levée, COURTRIGHT revint vers son ancien fief, Fort Worth, et relança une vieille affaire, la « T.I.C. Commercial Agency ». C’était soi-disant une société de sécurité privée, mais en fait une couverture pour un juteux racket de protection. Jim parvint à extorquer des fonds à des saloons et des maisons de mauvaise réputation à Fort Worth, jusqu’à ce qu’il rencontrât ce joueur mortel qu’était Luke SHORT, lequel refusa de payer et abattit COURTRIGHT dans un duel à courte distance le 8 Février 1887. La carrière de Jim COURTRIGHT dans le milieu de la « Sécurité Indépendante » fut un chemin que suivirent beaucoup d’hommes de l’Ouest occupant un poste officiel de policier à un moment ou un autre de leur vie. Le « policier indépendant » le plus connu, Tom HORN, n’a cependant jamais été vraiment policier. Né en 1860 au Missouri, HORN traîna dans l’Ouest entre les années 1870 et 1880, travaillant comme mineur, conducteur de diligence et éclaireur pour l’U.S. Army. En 1890, il s’engagea à l’Agence de Détectives Pinkerton et, deux ans plus tard, rejoignit l’Association des Eleveurs de Bétail du Wyoming comme détective de prairie. « Détective de Prairie » était un euphémisme pour « Premier Pistolet », et HORN servit d’assassin pour les grandes compagnies d’éleveurs du Wyoming durant les endémiques guerres des prairies pendant la dernière décade du dix-neuvième siècle. Quiconque « dérangeait » les grands éleveurs, dont beaucoup étaient d’anciens grands propriétaires terriens de l’Est ou d’Europe, risquait de se faire payer par la carabine mortelle de Tom HORN. Personne ne sait vraiment combien d’hommes Tom HORN a tué, mais une faute qu’il commit en 1901, alors qu’il courrait après un petit fermier du nom de Kels NICKELL dont il tua le fils de quatorze ans par inadvertance, le mena à sa perte. En dépit de manœuvres légales et de pressions politiques de la part de ses puissants patrons, HORN fut arrêté, jugé, déclaré coupable et pendu. Son exécution fut le signe que le nouveau siècle serait moins tolérant pour la « Sécurité Privée ». Dix ans plus tôt, les éleveurs du Wyoming avaient pu faire éviter les tribunaux à Tom SMITH, un autre détective de prairie. SMITH, un ancien policier au Texas et en Oklahoma, avait d’abord offert ses services à l’association des éleveurs à la fin des années 1880. Une accusation de meurtre contre lui au début des années 90 fut facilement étouffée par ses puissants employeurs. Avec son confrère « détective » Frank CANTON, SMITH organisa l’expédition de police privée la plus manifeste que l’on pût voir dans l’Ouest à la fin du 19ème siècle. Financés par de gros fermiers, les deux hommes recrutèrent au Texas une bande de cinquante hommes armés, et envahirent le comté de Johnson, Wyoming, en Avril 1892. Cette armée privée, appelée les « Régulateurs » et commandée par l’ex-Major de l’U.S. Army Frank WOLCOTT, pénétra dans la ville de Buffalo, qui était alors le quartier-général d’une alliance tacite entre les voleurs de bétail et les petits fermiers qui avait dans ses rangs toute une liste de personnages plus caractériels les uns que les autres. Malheureusement pour eux, deux des hommes sur cette liste, Nate CHAMPION et Nick RAY, leur donnèrent plus de fil à retordre qu’ils ne l’avaient prévu. Bien que la soi-disant « armée » blessât mortellement RAY au cours d’une embuscade au K.C. Ranch, CHAMPION traîna son compagnon à l’intérieur de la maison et repoussa les assaillants pendant toute la journée, jusqu’à ce qu’ils y mirent le feu et l’abattirent au moment où il sortait, les armes crachant les balles de la manière que l’on imagine. Ne tirez pas, ne tirez pas, je me rends ! Pan-pan-pan-pan-pan. Aââârgh, salauds…
L’action retardatrice de CHAMPION sonna le glas des Régulateurs. Ils furent coincés par une bande d’hommes armés conduite par le shérif du comté de Johnson, Red ANGUS. Bien qu’ils fussent « sauvés » par un escadron de cavalerie, tous les cinquante hommes furent accusés de meurtre. Heureusement pour les Régulateurs, le fonds de défense de leurs employeurs était plus important que les caisses du comté de Johnson, et ils furent relâchés. Pourtant, Tom SMITH ne profita pas longtemps de sa liberté. De retour au Texas à l’état de 1893, il se disputa avec l’un de ces hommes qui ne vivaient que par les armes, en l’occurrence un solide noir dont le nom s’est perdu dans les brumes de l’histoire de l’Ouest. L’homme noir dégaina plus vite que Tom et l’étendit raide. Le black Uncle Ben’s qui se bat avec le cow-boy moustachu aux cheveux longs. C’est comme si j’avais déjà vu cette scène au cinoche. A moins que ce ne soit avec un couteau, ou un arc, comme dans « Les Professionnels ». Manque plus que la gonzesse au milieu, et l’abreuvoir au deuxième plan, où celui qui crève va tomber dedans, les villageois vont se précipiter pour l’en sortir avant qu’il ne pollue l’eau de leurs chevaux, et le croque-mort arrive avec son mètre ruban pour prendre les mesures du cercueil. Frank CANTON, le complice recruté en même temps que SMITH, mena une vie beaucoup plus intéressante et profitable. Né en Virginie sous le nom de Joseph HORNER en 1849, il fut élevé au Texas, où il devint cow-boy et voleur dans les années 1870. Il couronna sa carrière de bandit en dévalisant la banque de Comanche, Texas, en 1877. L’année suivante, on le vit au Wyoming où, sous le nom de Frank CANTON, il commença une nouvelle vie comme représentant de l’Association des Eleveurs du Wyoming et où il servit aussi pendant un petit moment comme shérif du comté de Johnson de 1880 à 1886. Après la Guerre du Comté de Johnson, CANTON travailla comme directeur d’une usine d’emballage avant de s’accrocher un badge de U.S. Deputy Marshal en Oklahoma et en Alaska. De retour en Oklahoma, il devint shérif et fut chasseur indépendant de voleurs de bétail pour l’Association des Eleveurs de Bétail du Texas. CANTON finit sa deuxième carrière comme Adjutant General de la Garde Nationale de l’Oklahoma. Il mourut, sans ses bottes, en 1927. Un autre de ces hommes qui ne vivaient que par les armes et qui se baladait entre la police et le crime, fut Matt WARNER. Né en 1864, WARNER, comme CANTON, commença sa vie sous un autre nom, celui de Willard Erastus CHRISTIANSEN. C’était le beau-frère d’un chef de gang de voleurs du nom de Tom Mc. CARTHY, et il fut membre du gang, apparemment jusqu’à ce qu’il fût dénoncé par sa belle-sœur en 1892 contre une récompense. C’est alors que WARNER découvrit la magie que l’on pouvait obtenir en mélangeant les procureurs et l’argent, dépensant toute ses économies mal acquises pour finalement arriver à vaincre les chefs d’accusation. Essayant de rejoindre le droit chemin, il fut engagé par des prospecteurs comme garde du corps. Défendant ses employeurs au cours d’une embuscade, il tua deux hommes, en blessa un autre et fut condamné à la prison pour meurtre. Plus tard, après qu’il fût relâché en 1900, il fut élu juge de paix et shérif du comté, servant ensuite comme policier en Utah. Bien qu’il fût quelque peu impliqué parallèlement dans des histoires de contrebande, WARNER fut un homme généralement honnête durant les dernières années de sa vie. Il mourut en 1938.
Etablir une liste exhaustive des tueurs et des brigands qui servirent également la loi à un moment ou un autre de leur vie, serait trop long à couvrir ici. Il suffit de dire que beaucoup, comme Ben THOMPSON et King FISHER, tués tous les deux dans un saloon à Austin, Texas, moururent avec les bottes aux pieds. Quelques-uns, comme CANTON et WARNER, atteignirent un âge avancé, entourés de leurs petits-enfants, devenant des curiosités vivantes témoins d’une époque depuis longtemps révolue. Bien que des hommes comme Wyatt EARP et Frank CANTON ne dépasseraient pas aujourd’hui la première page d’un formulaire de candidature pour s’engager dans une police moderne, ils remplissaient un vide dans une société pragmatique où l’on jugeait les capacités d’un homme de loi principalement dans son adresse avec un Colt Single-Action. Il suffit de regarder les journaux aujourd’hui pour se rendre compte que nos critères de sélection actuels ont leurs propres défauts. Les gens étaient peut-être plus tolérants dans l’Ouest du dix-neuvième siècle sur le passé d’un homme, mais ils rendaient leur jugement très rapidement s’ils estimaient que c’était nécessaire. Un ex hors-la-loi n’avait qu’à prendre connaissance du destin de Henry PLUMMER et Henry BROWN s’il avait envie de repasser à nouveau de l’autre côté de la ligne. Bref, pour avoir contrevenu à l’interdiction de dépasser la ligne blanche continue, le tarif était la pendaison haut et court, bottes aux pieds.
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